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Francis Galton

                                             Avant l’apparition du concept

       Darwin rejetait les théories sociales basées sur sa théorie biologique, mais son cousin embrasse ces idées avec ferveur.

       Francis Galton, né en 1822 dans une riche famille de quakers (mouvement religieux fondé par des dissidents de l’Église anglicane, pour lequel la croyance religieuse appartient à la sphère personnelle et chacun est libre de ses convictions), était un grand scientifique qui œuvra dans de nombreux domaines. En effet, après une éducation libérale, il explore des régions inconnues en Afrique, devient un pionnier de la prévision météorologique (il découvre le système de hautes pressions qu’il nomma “anticyclone”) et du relevé d’empreintes digitales, mais il découvre aussi des règles statistiques (notamment appliquées à l'anthropologie), qui révolutionnèrent la méthodologie scientifique, en tentant de découvrir les lois de la transmission génétique. Sa devise est d’ailleurs “Chaque fois que tu peux, dénombre”. Mais Francis Galton interprète en général mal les résultats de ses expériences. Martin Brookes, biologiste de l’évolution et vulgarisateur scientifique contemporain, pense que Galton a été détourné de la vérité par les préjugés de son temps, mais aussi par sa compréhension étrange des notions statistiques qu’il a pourtant créées.

       Francis Galton est indubitablement raciste. En effet, on retrouve régulièrement dans ses écrits le mot “race”, mais avec plusieurs sens. Ce terme pouvait renvoyer au sens courant du mot au XIXe siècle, à savoir race blanche, noire, ou jaune, mais Galton lui donnait aussi un autre sens : pour lui, la race désigne une classe sociale, et les différences entre les classes sociales, visibles par la réussite sociale, s’expliquent par des facteurs héréditaires. C’est la démarche initiale à partir de laquelle il construisit l’eugénisme.

       La lecture de l’Origine des espèces de son cousin Darwin en 1859 est pour Galton une révélation : la théorie de l’évolution lui permet d’envisager que les talents, les facultés intellectuelles, les caractères psychologiques et physiques sont le résultat de l’évolution. De plus, considérant comme Clémence Royer (première traductrice française de Charles Darwin) que la charité chrétienne et les valeurs de solidarité développées avec les idées démocratiques ne peuvent que conduire à la dégénérescence de la race humaine, Galton se convertit à un antichristianisme farouche, comme nombre de ses confrères eugénistes après lui.
 

       Dans les années 1860, il étudie beaucoup les hommes célèbres et leur famille, analysant leur ascendance et leur descendance elles-aussi éminentes. Il en déduit que le talent est transmis par l’hérédité à un degré remarquable, et qu’il existe une loi de distribution des capacités dans les familles, c’est-à-dire que plus la parenté est proche, plus la proportion de génie est élevée. Il s’intéressa aussi aux travaux du français Alphonse Bertillon qui s’appuyait sur les mensurations physiques pour l’identification des criminels . De même, Cesare Lombroso dans L’Homme criminel (1876) chercha à décrire le « criminel-né » à travers l’étude de portraits photographiques de forçats, montrant certaines caractéristiques anatomiques ou physiologiques. Galton établira ainsi que les qualités intellectuelles, comme les qualités physiques, sont héréditaires. Si l’environnement a une influence, tous les résultats lui donnent à penser que l’appartenance à une « race douée »  joue un rôle majeur, contrairement à l’environnement.

                                                Apparition du concept et définition

       En 1883, Francis Galton utilise pour la première fois le substantif eugénisme (en anglais « eugenics »), mot qui vient du grec ἔυγενης (“bien né”), remplaçant le mot viriculture (du latin vir homme et cultura culture) qu’il utilisait jusque là ; cela signifie donc que l’eugénisme était au départ, étymologiquement, la science des bonnes naissances. Il en donne cette définition : « Science de l’amélioration de la race, qui ne  se borne nullement aux questions d’unions judicieuses, mais qui, particulièrement dans le cas de l’homme, s’occupe de toutes les influences susceptibles de donner aux races les mieux douées un plus grand nombre de chances de prévaloir sur les races moins bonnes ».  Cette définition est complexe, et elle contient déjà une dimension raciste. Elle parle d'une "science" mais, visant un effet pratique, c'est sans doute plus une technique qu'une science. Par ailleurs, la définition implique un jugement de valeur et suggère un projet politique. Galton modifie légèrement sa définition en 1904 : « Étude des facteurs socialement contrôlables qui peuvent élever ou abaisser les qualités raciales des générations futures, aussi bien physiquement que mentalement ».


 

       Aujourd’hui, cette définition serait plutôt : “Ensemble des recherches (biologique, génétique) et des pratiques (morales, sociales) qui ont pour but de déterminer les conditions les plus favorables à la procréation de sujets sains (les meilleurs) et, par là même, d'améliorer la race humaine. Cette théorie cherche donc à opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique”. De plus, ce terme comprend deux aspects : d’une part l’amélioration génétiques des humains par sélection de caractères héréditaires jugés souhaitables (eugénisme positif) et l'élimination de caractères jugés indésirables (eugénisme négatif), et d’autre part l’amélioration des individus par des interventions sur les conditions de vie. Le principe de l’eugénisme est de compenser les pertes des mécanismes de la sélection naturelle, et son idée de départ est le contrôle du patrimoine génétique.

       L’eugénisme positif et l’eugénisme négatif ne sont pas du tout exclusifs l’un de l’autre et se combinent souvent. A l’époque de Galton, l’eugénisme englobait interventions biologiques (contrôle du mariage, stérilisation, avortement…) et interventions sociales (protections alimentaires, conditions de travail, scolarisation…), mais aujourd’hui, le mot « eugénisme » ne peut plus confondre les actes de sélection des humains avec ceux qui permettraient de les faire vivre mieux, même si la limite est un peu confuse.

       Au sein du mouvement eugénique, il y a, de manière schématique, deux principaux courants : d’un côté les eugénistes “classiques” ou "conservateurs”, qui accordaient un rôle prépondérant voire exclusif à l’hérédité dans l’explication des phénomènes sociaux et qui, sur le plan politique, étaient favorables au maintien de l’ordre social et sexuel, et d’un autre côté, les eugénistes “réformistes” ou “marxistes”, qui appartenaient aux milieux progressistes ou socialistes, et qui voulaient lever les barrières de classes qui empêchaient selon eux les meilleurs éléments de l’humanité de pouvoir unir leur sang.

       Il faut également savoir que le mot « gène » fut inventé  30 ans après le mot « eugénisme », et que, si les gènes ont une grande influence sur bien des aspects de notre santé et de notre comportement, la plupart des caractères et des pathologies que les premiers eugénistes voulaient modifier ne sont pas pilotés par nos seuls gènes. En effet, la génétique du comportement est probabiliste, pas déterministe ; elle s’applique aux populations, pas aux individus. Notre comportement résulte d’une interaction complexe entre gènes et expériences vécues, et l’équilibre entre les deux peut varier d’une personne à l’autre. Du côté des pathologies, nous savons à présent que toutes les maladies génétiques ne sont pas héréditaires (le cancer, par exemple, est une maladie génétique) même s'il y a certains gènes de prédisposition, et que toutes les maladies héréditaires sont, logiquement, génétiques. La plupart des gens et même certains médecins continuent de penser en termes du “gène de” telle ou telle maladie, mais les gènes aux effets aussi directs sont l’exception, pas la règle.

                                               Idées et actions de Galton

       Par ailleurs, grâce à une longue série d’expériences entre 1869 et 1871, Galton réfuta la théorie de la pangenèse de Darwin. Celui-ci concéda alors qu’il n’avait pas assez approfondi le sujet ni réfléchi à la difficulté de croire à la présence de gemmules dans le sang.

 

       Le projet de Galton était de réorganiser la société anglaise en préférant la sélection artificielle à la sélection naturelle considérée comme inefficace. Sa philosophie visait initialement à créer une caste supérieurement douée en encourageant les mariages “eugéniques” entre personnes dotées d’une bonne santé et d’une bonne intelligence.

       Il constate que les méthodes utilisées par les éleveurs pour améliorer leur cheptel sont efficaces et permettent la reproduction d’animaux choisis pour telle ou telle caractéristique. Pourquoi ne pas appliquer ces méthodes à la race humaine, pour augmenter la quantité de génies par exemple ? se demande-t-il alors. Sur le plan politique, l’eugénisme galtonien apparaît ainsi comme une théorie défensive qui vise à protéger un groupe social défini contre une menace largement fantasmée. Sous couvert des sciences, elle revient en effet à préserver le maintien de l’ordre social en exigeant une stricte limitation des unions entre les individus d’origines sociales différentes.

       Il veut même faire de l’eugénisme une religion, et en écrit quelques règles à respecter. Il est d’ailleurs écrit au sujet de ses études et de ses idées, dans The American Journal of Sociology (1905) : L’eugénisme renforce le devoir social dans de si nombreuses circonstances que les conclusions résultant de son étude devraient recevoir un bon accueil de toute religion tolérante. […] La foi eugéniste étend la philanthropie aux générations futures ; elle rend son action plus pénétrante qu’elle ne l’a été jusqu’ici en prenant en considération les familles et les sociétés dans leur entièreté. […] Elle interdit sévèrement toutes les formes de charité sentimentale qui sont nuisibles pour la race, en même temps qu’elle recherche activement les actes de bonté personnelle compensant la perte de ce qu’elle interdit. Elle attire l’attention sur les liens de l’espèce, et encourage fortement l’amour et l’intérêt pour la famille et la race. En bref, l’eugénisme est un credo viril, plein d’espoir, et faisant appel à nombre des nobles sentiments de la nature.

       En effet, Galton pensait originellement que le programme eugéniste devait s’appuyer sur la libre volonté des personnes et que seule l’inculcation d’un « mode de pensée » eugéniste pouvait avoir des effets durables. Il s’agissait d’ancrer dans les esprits une nouvelle manière de voir le monde qui devait mettre l’eugénisme au premier rang des préoccupations humaines. Il prônait donc au départ un eugénisme volontaire. Plus tardivement, la position de Galton et celle d’une grande partie des eugénistes conservateurs évolua. L’intervention de l’État, concernant notamment les cas considérés comme les plus graves, devint une de leurs principales revendications.

      En 1904, Galton décide qu’il est temps d’agir et, bien que désormais affecté par la surdité et l’asthme - qu’il soigne en fumant du haschisch ! -, il expose ses idées à la Société de sociologie de Londres dans une conférence-débat intitulée « L’eugénique, sa définition, son but, ses aspirations », où il propose un plan d’action visant à rassembler les connaissances sur l’hérédité, sur les taux de fécondité présents et passés des divers groupes sociaux, sur les influences qui ont déterminé les mariages au cours des âges, et ainsi faire de l’eugénique une discipline à part entière enseignée dans les universités afin de l’introduire « dans la conscience nationale comme une religion. » A cette conférence étaient présents de nombreux médecins, scientifiques et sociologues renommés. Elle eut beaucoup de succès et fut largement diffusée en Europe et aux Etats-Unis. C’est le début du mouvement eugénique.

    Grâce à de nombreuses manifestations, cette idée se répand très vite dans le monde occidental, et le mot “eugénique” devient courant. Galton est anobli en 1909 et il reçoit en 1910 la prestigieuse médaille Copley, décernée par la Royal Society. Finalement, il est le premier organisateur d’un mouvement qui devient rapidement international. Galton meurt en 1977, mais en 1912 est organisé à Londres le premier congrès international d’eugénisme, dont le discours d’ouverture fut prononcé par l’ancien Premier Ministre Arthur Balfour. Ce congrès fut suivi d'une deuxième édition en 1921 puis d'une troisième en 1932.

Définition "Eugénisme"

« L'eugénisme est la direction de l'évolution humaine par les humains »,  logo du second congrès international d'eugénisme, en 1921, où l'on peut voir l'eugénisme comme un arbre dont les racines sont les différents champs de connaissances de l'humanité.

Ce site a été créé par des élèves de Première S dans le cadre des TPE. Nous espérons qu'il vous plaira. Bonne navigation !

Louison CHAUVIN

Eliette LEBRUN

Camille LUCOT

Lycée Nodier, Dole, Académie de Besançon

Entre Eugénisme et Transhumanisme

Comment l'Homme cherche-t-il

à améliorer l'humain ?

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