Genèse de l’eugénisme
Introduction
L’idée d’eugénisme, sans le nom, existe depuis très longtemps, comme peuvent l’attester des écrits et témoignages. Chez les Hébreux, des lois interdisaient les unions entre personnes de familles où règnaient certaines maladies comme l'épilepsie, l’hémophilie ou bien encore le nanisme. Chez les Grecs, notamment à Sparte, au VIIe siècle av. J-C, les nouveaux-nés, examinés par un comité d’anciens, étaient abandonnés s’ils étaient malformés ou s’ils paraissaient trop chétifs. En effet, la société spartiate était principalement basée sur l’armée, la hiérarchie et la force virile, alors seuls les enfants de solide constitution étaient jugés dignes d’en faire partie. A Rome, le père de famille pouvait seul décider si le nouveau-né était assez bien pour intégrer la famille ; il faut attendre les lois de Constantin Ier, le 34e empereur romain, en 329 et celles de Valentin, un co-empereur romain, en 374 pour condamner les pères infanticides. Ensuite, la tradition chrétienne fait disparaître ces pratiques.

A la Renaissance, l’idée resurgit. On en retrouve la trace dans la description de cités utopiques, par Campanella par exemple ; dans son œuvre La Cité du Soleil de 1623, dans laquelle l’eugénisme est pratiqué sous la forme d’un programme de reproduction dans le but de conserver certaines caractéristiques physiques. Du XVIIe au XIXe siècle, de nombreuses expressions désignant ce qui va devenir l’eugénisme apparaissent : callipédie (Claude Quillet, 1655), mégalanthropogénésie (1872), aristogénie, orthopédie de la race, puériculture, viriculture… On retrouve dans ces appellations les étymologies du gène, de l’humain…
Fin XVIIIe et courant XIXe siècle, le concept d’une dégénérescence de la race humaine se développe, principalement dans le corps médical, notamment à cause de la colonisation, de la découverte d'hommes à la peau noire pas civilisés de la même manière que les Européens, et du développement industriel. En effet, les ouvriers sont regroupés en masse à certains endroits, donc l'alcoolisme, la pauvreté, la délinquance et les maladies infectieuses sont plus visibles et flagrantes. Du côté de la littérature, l’exemple de Zola est à prendre avec des pincettes, avec son ensemble de roman Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire. Le but de cette œuvre était d’étudier l’influence du milieu sur l’homme et les tares héréditaires d’une famille. Elle suit donc toute une famille dont Zola avait dressé l’arbre généalogique très précis, en utilisant des termes scientifiques pour expliquer le taux d’héritage de caractères héréditaires de chacun des personnages. Le but de Zola, naturaliste, était de montrer qu’il n’y a pas de barrières entre la science et la littérature. Les conceptions que nous pouvons retrouver dans ses romans étaient très proches de la théorie de la dégénérescence, mais comment affirmer qu'il était d'accord avec ce concept ? Peut-être ne suivait-il que la tendance de l'époque, alors contentons nous de dire que toute la société et tous les cercles de cette époques étaient influencés par cette tendance, surtout que les scientifiques avaient une place très importante.
Cette notion de dégénérescence prend une nouvelle ampleur avec la parution en 1857 du Traité des dégénérescences du psychiatre français Bénédict Morel : ainsi, à cause de l’hérédité des maladies mentales et des autres tares comme l’alcoolisme ou la violence, les dégénérés menaceraient la race entière.
Deux arguments reviennent souvent en faveur de l’eugénisme : la société moderne, souvent démocratique, favorise toujours davantage les individus et donc diminue la sélection naturelle ; d'autre part, le taux de fécondité est plus important chez les “indésirables” que chez les “désirables”. Cette idée est ainsi souvent présente dans les utopies politiques, où le gouvernement intervient dans la composition et la qualité des ménages. Un consensus scientifique dans tous les domaines s’établit à ce moment-là, des deux côtés de l’Atlantique, ce qui aboutit à la première théorisation de l’eugénisme à la fin du XIXe siècle par Francis Galton.

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Extraits du Traité des Dégénérescences de Morel